Pas sans nous ! Épisode #4 : Participation dans les quartiers
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S’il y a toujours eu des habitant·es qui ont tenté de faire entendre leurs voix et d’influencer leur vie de quartier, l’arrivée de processus participatifs venus des élu·es en Belgique remontent à peu près aux années 90.
Quelles-sont les limites de ces dispositifs de participation pour penser une meilleure distribution des pouvoirs ? Quel lien entre élu·es et non-élu·es est souhaitable selon nous ? Pourquoi penser la participation au niveau d’un quartier ? Quel potentiel politique y a-t-il dans les collectifs ou comité de quartier ?
Retrouvez la transcription ci-dessous.
Piet :
Il y a de nouveaux dispositifs qui n'existaient pas il y a 20 ans et qui sont de nouveau des tentatives de la part des autorités de vouloir canaliser la participation citoyenne vers des cases très facilement gérables. Et donc là, je constate une nouvelle tendance dans les actes les petits jouets de la participation citoyenne.
Jingle
Solenne :
Et en 25 ans, que s’est-il passé ?
Jingle d’introduction :
« Pour moi, tout citoyen doit participer. »
« L'abstention décidément est un piège à cons. »
« Tout est déjà décidé à l’avance. »
« Je vous ai compris. »
Pas… Sans… Nous. Pas sans nous : une série de podcasts de Periferia.
Solenne :
Dans le deuxième épisode de cette série, on a essayé de comprendre comment la participation citoyenne était devenue un thème central de la vie politique belge. On parle de différentes étapes qu'a connues la participation pour arriver aujourd'hui à un mouvement d'institutionnalisation. C'est à dire que la participation est reprise et organisée de manière structurelle par nos institutions. Heureusement, cela ne veut pas dire que les mouvements ou projets de participation souhaitant impliquer les habitant·es aux décisions qui les concernent n'est plus que l'émanation des institutions. De nombreux collectifs continuent de se créer et de s'imposer dans la vie publique en s'organisant pour l'amélioration de leurs conditions de vie ou directement contre des projets qu'iels jugent néfastes.
S'il y a toujours eu des groupes d'habitant·es qui se sont imposé·es dans la vie publique, qui ont tenté de faire entendre leur voix et d'influencer leur vie de quartier, l'arrivée de processus participatifs venus des élus en Belgique remonte à peu près aux années nonante et c'est surtout de cela dont on va parler dans cet épisode. Quelles sont les limites de ces dispositifs de participation pour penser une meilleure distribution des pouvoirs ? Quels liens entre élus et non-élus est souhaitable selon nous ? Pourquoi penser la participation au niveau d'un quartier ? Et finalement, quel potentiel politique y a-t-il dans les collectifs ou comités de quartier ?
Musique
Comme expliqué dans l'épisode deux, cette participation naît dans un contexte particulier. À la fois une succession de crises politiques, économiques et sociales depuis les années septante et l'émergence de nouveaux mouvements sociaux qui veulent que la politique soit plus qu'une affaire de personnes élues censées nous représenter. Mais quels sont ces dispositifs de participation dont on parle ? Il s'agit par exemple des contrats de quartier, des projets de cohésion sociale, des conseils consultatifs des locataires des logements sociaux, des contrats de sécurité ou encore des budgets participatifs. Dans un article de 2007, les chercheuses Ludivine Damay et Christine Schaut écrivent à propos de ces dispositifs de participation qu'ils ont en commun le fait de venir directement des élus. Ces élus cherchent à la fois à relégitimer leur politique dans un contexte de crise de confiance et à combattre l'exclusion sociale et la précarité. Les chercheuses montrent aussi que ces programmes favorisent une échelle locale et mettent l'accent sur la vertu de la proximité dans les quartiers. Mais tous les quartiers ne sont pas visés de la même manière, il s'agit avant tout d'agir dans les quartiers populaires. Avec la désindustrialisation de nos villes au cours du XXᵉ siècle, les quartiers populaires deviennent une cible de revitalisation et au programme de rénovation de ces quartiers sont greffés des dispositifs de participation. Ludivine Damay et Christine Schaut montrent que l'objectif de ces dispositifs de participation pour les politiques est d'apaiser les tensions et de prévenir les risques sociaux.
D'un autre côté, la participation a été poussée par des associations comme la nôtre pour permettre aux habitant·es d'avoir leur mot à dire dans les rénovations de leurs quartiers. En disant tout ça, on se rend compte que la participation dans les quartiers n'est pas anodine ou neutre. Elle rentre dans des rapports de pouvoir, elle est porteuse de tensions, voire de contradictions. Elle peut être utilisée pour légitimer des politiques publiques. Elle peut créer une frontière entre les bons habitants qui participent et celleux qui causeraient les troubles sociaux. Elle peut contribuer à justifier des processus de gentrification qui poussent les classes populaires hors de leurs quartiers. Mais elle peut aussi être un outil d'éducation populaire et de lutte pour être entendus et contribuer aux décisions qui nous concernent. Ces enjeux ne sont pas neufs, mais ils résonnent encore fortement avec notre actualité. Ils arrivent avec chaque nouveau contrat de quartier aujourd'hui, accompagné d'une panoplie d'autres programmes contrats de rénovation urbaine, contrats école, contrats d'accès, contrats d'îlots et j'en passe. Pour les Bruxellois·es qui nous écoutent, les enjeux cités vous ont peut-être fait penser à Good Move, ce grand plan de mobilité régionale qui a tant créé de débats et de tensions dans les quartiers bruxellois et surtout les quartiers populaires depuis 2023.
Le but de ce plan était entre autres de diminuer la circulation automobile à Bruxelles, et de rendre les quartiers plus sûrs. La question de la participation à ces plans de réaménagements a été centrale dans les débats du côté du Gouvernement Régional, pour montrer que les politiques n’avaient pas fait ça sans demander l’avis des personnes concernées. Et du côté de celles-ci, en disant qu’on ne les avait pas consultées et qu’on leur imposait un plan décalé par rapport à leur réalité et leurs besoins. Beaucoup se sont opposés au projet dont le MR qui a fait des micro-trottoirs pour écouter l’avis des bruxellois·es.
Personne interrogée 1 :
Moi, je trouve que ce n’est pas normal que la ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt, elle a eu 4.000 voix, mais comment cela se fait que c’est elle qui décide ? Pour tout Bruxelles ?
Personne interrogée 2 :
Le fait de le fermer soudainement, sans une véritable concertation fait que les personnes se sont senties un peu trahies.
Solenne :
Dans cet épisode, on va parler de ce lien entre la participation dans les quartiers et la politique, et avec les pouvoirs publics particulièrement. Les exemples qu'on va donner viennent majoritairement de Bruxelles, mais les parallèles avec d'autres territoires se font facilement. On va distinguer deux types d'initiatives celles qui viennent des politiques qu'on appelle top down du haut vers le bas et celles qui viennent des habitants et habitantes elleux-mêmes, qu'on appelle « bottom up » du bas vers le haut. Pour discuter de tout ça avec nous, Fanny, une de mes collègues et moi avons interrogé Piet, qui a notamment travaillé avec Periferia pour développer la participation à Bruxelles. Un peu plus tard, on entendra aussi Cécile et Sandra, deux habitantes d'un quartier de Anderlecht, qui parleront de leur expérience de collectif de quartier.
Piet :
Je suis Pete Van Meerbeek. J’ai travaillé pendant 22 ans au BRAL, mouvement urbain.
Solenne :
Le BRAL, c'est une fédération de comités de quartier qui travaillent principalement sur les questions d'urbanisme et d'environnement. C'est l'équivalent néerlandophone de Inter-Environnement Bruxelles. Le BRAL le soutient les initiatives habitant·es, les collectifs de quartier et leurs luttes. Il joue également un rôle d'expertise auprès des pouvoirs publics. Pete a commencé à travailler au BRAL en 1959 dans une mission de développement local intégré ou DLI, à Saint-Josse. Pour faire simple, le DLI, c'est un projet du réseau Habitat qui sert à améliorer le cadre de vie des habitant·es des quartiers populaires en favorisant leur participation dans la vie et l'aménagement de leur quartier.
Piet a notamment travaillé dans des contrats de quartier. Un des grands types de programmes de la Région bruxelloise en termes de participation citoyenne, qui existe depuis 1953 via les contrats de quartier qui sont financés majoritairement par la Région bruxelloise, les communes rénovent des espaces publics et construisent de nouvelles infrastructures dans un de leurs quartiers. Il peut s'agir d'un parc, d'une crèche ou encore d'un centre de quartier. Ces contrats permettent également de financer des projets socioéconomiques favorisant la participation des riverain·es. Piet revient sur son parcours de DLI, de lien en Periferia et de l'évolution de son travail, allant de projet top down vers des accompagnements d'initiatives habitantes ou « bottom up ».
Piet :
Avec les autres associations qui étaient sur la même mission où on essayait de renforcer la législation sur les contrats de quartier dans le sens d'avoir plus de participation inclus dans le dispositif, avec une certaine réussite puisque l'ordonnance sur les contrats de quartier a été modifié. C'était le début de ce qu'on appelait à l'époque les CLD, les commissions locales de développement intégré. Je pense que maintenant ça s'appelle Commissions Quartiers. Bon, j'ai fait ça pendant quelques années, puis après j'ai travaillé plutôt sur des dossiers environnementaux, toujours en contact avec des comités de quartier, petites associations et on avait commencé avec Periferia, une sorte de réseau d'organisations, de personnes qui avaient apprécié ce travail sur la participation qu'il faisait. Au début, ça s'appelait Groupe Participatie, donc bilingue vu le mot. Après, on a changé un peu puisque d'autres personnes ont été intégrées. On a changé le nom. C’était Plateforme Participation. On a fait une série de rencontres et des débats. Les dernières années du BRAL, j'ai travaillé plus sur du nouveau sur le participatif disons, mais plutôt « bottom up ». On a passé au BRAL, aux nouvelles générations, des initiatives citoyennes.
Et depuis deux ans et demi, j'ai quitté le BRAL et j'ai quitté la région bruxelloise pour travailler dans une association socio-culturelle qui s'appelle Avansa Oost-Brabant où je m'occupe encore de soutien aux initiatives citoyennes plutôt dans le sens du commoning et des coopératives. Je pense que quand l'initiative vient des élus, de l'administration, c'est difficile de créer un sentiment d'appartenance. C'est difficile d'impliquer les habitant·es et de leur donner l'idée que la chose leur appartient. Je vois souvent des institutions, non seulement des administrations, mais aussi des associations qui essaient d’impliquer des riverains ou leur public cible et dire voilà, c'est à vous, la démarche est à vous, prenez la chose en main et c'est très difficile d'y parvenir quand c'est pas les habitant·es qui ont pris l'initiative.
Une fois qu’on est invité à participer à une démarche qui est lancée par quelqu'un d'autre. C’est difficile, parce qu’on est dans une position inconfortable pour participer, pour donner un avis, mais c'est l'autre qui fera l'exécution de de tout le projet, qui fera la coordination, qui fera le travail. Changer ce rapport est très difficile et c'est aussi difficile parce que souvent on n’y croit pas. Les habitant·es n'y croient pas. Le discours de la démarche est à vous, venez et prenez les choses en main. De plus en plus, mon discours a changé vis à vis des élus et vis à vis des autorités. Je ne dis plus vous devez être impliqué dans les processus participatifs. Ce qu'on dit maintenant, c'est beaucoup plus « Vous devez être les facilitateurs, créer un cadre pour les citoyens, pour qu’ils puissent créer leur propre initiative ». Sur un cadre facilitant qui permet d'initiatives citoyennes d’émerger, ce qui est tout à fait différent de créer un processus participatif.
Solenne :
Ce que nous dit Piet, c'est la difficulté de rendre réellement participatif un processus qui, au départ est pensé par les élus, à la fois parce que vu que les contours les enjeux, le sujet et même la temporalité sont en général définis par elleux, ce n'est bien sûr pas évident que des habitant·es s'approprient le projet à la fois qu'ils souhaitent en faire partie et qu'elles en deviennent les porteurs·ses. Et puis, dans un contexte de méfiance souvent répandue à l'égard des politiques, il est en effet fréquent que ces personnes ne croient pas réellement au fait que les élus vont leur donner un peu de pouvoir. Et on le reconnaît souvent avec raison. Mais Piet nous dit quelque chose de fondamental pour penser le lien entre participation et élus. C'est une chose de créer un processus participatif et on en voit déjà les limites et c'en est une autre de permettre l'émergence d'initiatives habitantes. On va maintenant parler de deux exemples de processus qui ont justement facilité la création de collectifs d'habitant·es et habitants. Piet parle du premier qui a eu lieu à Leuven, en Flandre. Il nous explique ce qui pour lui a permis qu'une dynamique habitantes se lance suite à un projet pensé au départ par des élus.
Piet :
J'ai connu un processus récent. J'ai suivi un peu la ville de Leuven qui a voulu entamer un processus de commission d'avis sur la question de LGBTQ mais ils ne voulaient pas construire une commission traditionnelle. Ils voulaient entamer un processus de construction de réseaux. Ils ont invité la Communauté à venir et avant ça à participer. Moi j'ai pu accompagner une seule réunion donc je connais pas très bien. Mais j'ai vu quand même qu’il y a maintenant un groupe, un collectif Queer Leuven qui s'est constitué suite à cette initiative parce que là je pense que la ville avec mes collègues ont bien créé un processus sans vouloir contrôler. Ils ont juste facilité inviter les personnes à être là et à prendre les choses en main dès le début. Mais ça dépendait des personnalités. À ce moment-là, s’il n'y a pas de personnes qui sont vraiment porteurs·ses, qui y croient et qui ont la force, la capacité de prendre la parole, prendre le devant, ça ne marchera pas non plus. Donc je dirais que les personnalités et aussi cette flexibilité, ce lâcher-prise, et une certaine attitude d'humilité de la part des autorités.
Musique
Solenne :
Periferia travaille dans des programmes de rénovation urbaine dans des quartiers depuis plus de quinze ans. Et nous sentons bien la difficulté de la plupart des élus à lâcher un peu de leur pouvoir, à faire confiance aux habitants et habitants pour prendre des décisions collectives. Les projets qui viennent des politiques restent alors souvent cantonnés à une ampleur minime. Pouvoir voter en ligne pour le nouveau nom d'une rue pour installer des nichoirs pour les oiseaux ou des bacs de plantes. Ou bien il s'agit seulement de demander l'avis des gens sans leur donner un réel pouvoir de décision. Mais je viens de le dire, on continue quand même de travailler dans ce genre de projet. Si on a eu des déceptions, il y a des exemples un peu différents qui nous font penser que parfois, les marges de manœuvre dans ces projets top down sont suffisantes pour que ça vaille la peine de s'y investir. Le deuxième exemple de ce genre de projet qu'on va donner ici, s'est passé à Anderlecht, dans le quartier de la roue. La Roue, c'est un ancien quartier ouvrier situé en périphérie de Bruxelles, à côté de sites industriels.
De 2008 à 2011, Periferia a accompagné avec le Collectif IP un processus de rénovation du quartier lancé par la commune d'Anderlecht. Pendant trois ans, des ateliers de travail urbain ont permis de faire tout un diagnostic et des propositions pour tout le quartier et finalement de lancer une dynamique de collectifs de quartier. Sandra et Cécile ont participé à ces ateliers de travail urbain et font depuis partie du Collectif de la Roue.
Sandra :
Moi je suis Sandra, je suis donc habitante du quartier de la Roue depuis ma naissance. J’ai participé de 2008 à 2012. En 2008, je suis dans le Saint Pierre. J'entends parler d'un atelier de travail urbain qui va se passer dans mon quartier de naissance. Et voilà, je me dis c'est intéressant que je m'y implique étant donné que je peux venir et habiter. J'atterris donc aux ateliers organisés par Periferia et la commune d'Anderlecht dans le cadre de rénovation urbaine. On part dans une démarche participative de trois ans si je ne me trompe pas. Comme je suis passionnée par mon quartier, je sais que je vais y revenir, je participe à ces ateliers qui se déroulent je pense, une fois par mois ou une fois tous les deux mois. Et en fait, je me rends compte quand même que la participation dans le quartier à ce moment-là, on se retrouve facilement entre 40 et 80 personnes.
Cécile :
Moi, j'habite aussi depuis ma toute petite enfance le quartier. Au moment de ma retraite, je cherchais des activités qui me permettaient de continuer à rester dans l'action. Et donc j'ai commencé à participer aussi aux ateliers urbains parce que je ne connaissais pas grand-monde en fait. J'étais fort occupée par mon boulot et ma vie de famille.
Solenne :
Le projet initial de rénovation à la Roue se concentrait uniquement sur la rénovation de la place Wauters. Fanny, qui travaille chez Periferia, rappelle que dès le départ les habitant·es ont poussé à ouvrir le cadre du projet pensé par la commune. Participer, d'accord, mais pas seulement aux conditions imposées par les élus.
Fanny :
Là, on est dans une initiative qui vient totalement du politique, où moi j'ai en tête quand même que les habitant·es, très vite, ont fait entendre leur voix. Il ne faut pas se limiter à la place Wauters pour élargir plus largement, pour penser sur l'ensemble du quartier où il n'y avait pas les financements pour autre chose que la place Wauters. On s'est dit ok, on ira chercher les financements pour faire tout le reste. Et j'ai l'impression qu'il y a quand même eu des citoyen·es qui ont mis un pied dans la porte et qui ont ouvert le cadre du politique.
Solenne :
C'est aussi le travail du collectif IP et de Periferia qui a permis de créer les conditions pour que les élus s'impliquent réellement et soutiennent la démarche. Et la dynamique a pris. Si bien qu'un groupe a voulu continuer à s'impliquer dans le quartier en formant un collectif autonome. Sandra et Cécile nous expliquent la naissance du collectif et leurs liens avec les élus de la commune.
Sandra :
De base, on voulait surtout pérenniser la dynamique qui avait été mise en place durant les trois ans par l'administration. Ce fameux projet, celui sur lequel Periferia a travaillé, au niveau de l'embellissement de notre quartier, il y avait cette idée aussi de dire enfin la commune investit. Donc essayons, nous aussi de pérenniser ces projets et encore d'améliorer d'autres choses et surtout de créer ces fameux liens sociaux qui s'étaient liés durant ces trois ans d'atelier.
Cécile :
On trouvait que c'était dommage que ça se termine avec les ateliers urbains et qu’il n’y ait plus rien après. Patrick nous a fait sentir qu'on avait du potentiel et qu’il y avait quelque chose qui se passait. Il a donc proposé une réunion si je me souviens bien, à la Maison des Enfants et on était tous autour de petites tables avec des chaises pour enfants. Il y a un projet qui est qui a commencé à se construire. Je pense qu'il y avait aussi une question de personnalité. Il y avait deux jeunes personnes : un monsieur qui était très intéressé par le quartier, qui a voulu créer un petit journal. Il m'a demandé si je voulais bien écrire un petit article. Ça c'était le tout début. Donc j'ai écrit un article sur le passé du quartier. Et puis il y avait une autre dame qui était très dynamique, qui avait envie de plein de choses. Il y a eu des personnalités comme ça qui ont fait que la mayonnaise a pris. Je crois qu'il y a quelque chose qui reliait quelque part l'amour du quartier, je veux dire. Il y avait de l'émotion dans l'attachement au quartier. Je pense que ça, ça reliait les gens. Il y avait des très anciens du quartier et des jeunes. C'est un quartier qui a été laissé à l'abandon pendant très longtemps. Petit à petit, on s'est intéressé à ce quartier. Tout ce qu'on fait pour mettre en valeur le quartier, pour moi, c'était bénéfique. Parce que pendant très longtemps, on ne faisait rien dans ce quartier. Il était vraiment tristounet. Une fois qu'on a commencé à le rénover, à mettre un nouvel éclairage, il y avait des choses encourageantes.
Sandra :
Le Collectif, pour moi, c'est pas un comité parce que souvent un comité est revendicateur et nous, on est partenaires avec plusieurs entités de notre quartier, de notre commune. On ne veut pas être là pour revendiquer, on veut trouver les solutions. Et aussi la grosse différence, je pense, c'est que dans un comité, il y a aussi souvent la présidence, le secrétaire et ainsi de suite. Et chez nous, nous sommes tous égaux. C'est aussi quelque chose de très important pour nous.
Cécile :
En fait, avec les ateliers urbains, ce n’est pas eux qui ont vraiment induit la création de quelque chose. C'est les habitant·es qui ont exprimé que c'était dommage que ça s'arrête, cette possibilité de se rencontrer et d'échanger. La création est devenue tout à fait autonome. Ce qui a été quand même intéressant, c'est qu’en répondant à l'appel à projet et en étant élu Quartier Durable, il y avait un partenariat qui a été mis en place avec la Commune et Bruxelles Environnement et le collectif une fois qu'il a été créé et mis en place. Et ça a quand même participé à une certaine dynamique, à une certaine bienveillance des élus communaux par rapport au projet. Nous, on a appris à les connaître plus. Je trouvais que c'était un moment important comme citoyen·ne, comme habitant·e. On a obtenu par exemple, d’avoir du terrain, des promenades balisées qui ont été mises en place. On a obtenu que la Commune accepte de venir placer les panneaux qui étaient dans l'espace public. Il y a eu une demande de permis d'urbanisme. Tout ça, ce sont quand même des choses qui étaient très importantes pour le quartier.
Musique
Solenne :
Les exemples de Queer Leuven et de la Roue sont des projets où les élus ont permis à des habitant·es d'ouvrir les cadres de la participation, d'en définir les contours et où, finalement, l'émergence de collectifs autonomes a été facilitée. On a demandé à Pete ce qui pour lui, étaient les ingrédients nécessaires pour que des processus venant des élus puissent créer ce terreau fertile à des initiatives habitantes.
Piet :
C'est surtout être à l'écoute et ne pas vouloir contrôler. Ça demande une très grande capacité de la part des autorités de lâcher prise, ce qui est très difficile, tant pour les élus que pour les fonctionnaires, parce qu'ils sont habitués à tout contrôler. Cette approche facilitateur, ça demande tout à fait une autre attitude, celle de comprendre que le territoire ne t'appartient pas comme un pouvoir public, que tu n'es qu'un seul acteur parmi d'autres, que les citoyen·nes ont une légitimité de prise d'action et donc avoir de personnes aussi qui vont sur le terrain, qui s'impliquent, qui vont à la rencontre des riverain·nes, écouter ce qui se passe, sonder la température et trouver des solutions sur mesure et ne pas vouloir tout mettre dans des cases qui sont prédéfinies. C'est souvent ça ce qu'on voit à des processus participatifs, ça doit souvent suivre des démarches prédéfinies avec des étapes. Il faut faire ceci, il faut faire cela. Quand les habitant·es ou un groupe d'habitant·es veulent suivre un autre parcours. Ah non, c’est pas permis. En fait, toute la logique d'une administration qui consiste à suivre des procédures valant à l'encontre de la logique des habitant·es. Et ça, ça demande toute une grande flexibilité de vouloir lâcher prise de cette approche, de cette habitude.
Musique
Solenne :
Si rare sont les politiques qui acceptent d'ouvrir leur jeu, Piet rappelles le rôle des fonctionnaires qui elleux aussi ont souvent du mal à s'ouvrir à la participation de personnes non-élues. Ainsi, les politiques favorables à une plus grande implication des habitant·es sont parfois rattrapés par la machine institutionnelle, les réglementations, les procédures et les services communaux qui n'ont pas été pensés pour ça. Mais si ça bloque chez une majorité d'élus, c'est aussi probablement que la participation réelle remet en cause leur légitimité à décider pour nous, en tant que représentant·es officiel·les de l'intérêt général. Un aspect souvent mis en avant est celui de l'expertise, de la technicité des enjeux qui rendraient de fait les personnes non-élues incompétentes dans la gestion de leur propre territoire. On a demandé à Sandra, Cécile et Piet ce qu'iels pensent de cette question d'expertise et de légitimité.
Sandra :
Je ne pense pas qu'on comme on en ressort plus expert. La seule chose que je pense qui est quand même super important, c'est qu'on va aller chercher l'expertise. Avant, on se disait, c'est facile de faire la réparation d'une rue. Je prends ça comme exemple. On envoie la démarche aux personnes concernées sans se dire qu'est-ce que ça coûte et ainsi de suite. Tandis que maintenant, on a quand même plus de connaissances que ce soit dans les travaux, que ce soit tout ce qui est service offert par la Commune, la propreté, les élagages des arbres et tout l’impact qu'y a là derrière. J'ai vraiment l'impression que je ne me sens pas plus experte mais j'ai plus de connaissances. Je vais plutôt aller vers l'expert, les informations correctes de manière à pouvoir travailler. Comme d'ailleurs nous l'avons fait avec la création de balades balisées. On s'est rendu compte que seul on n’y arriverait pas. On a été demandé au Collectif IP de croire en nous.
Cécile :
On est là comme habitant·e et on ne devient pas expert parce qu'on assiste à ce genre de réunions-là. C'est simplement dans son vécu. Il y a des gens qui participent comme experts, mais moi comme habitante, je ne suis pas experte.
Fanny :
Par rapport à ça, Cécile, comment tu vois la politique inverse des élus qui disent : « Justement, il y a des experts pour penser toutes ces questions-là, il n’y a pas besoin de demander aux habitants leur avis. »
Cécile :
Non, ce n’est pas ça que je veux dire. Parce qu'en fait, le vécu, c'est très important. Par exemple, on peut avoir une expertise, combien de mètres il faut, combien de ceci ou de cela pour calculer le budget… Ça, c'est une chose. Mais le vécu, comment on le vit, ce dont un habitant aspire, qu'est-ce qu'il a besoin pour être bien ou être heureux ou être mieux. Comme habitant·e, on ne peut pas apporter grand-chose d'autre. Parfois, j’ai remarqué que le nombre de participant·es était peu de personnes pour représenter tout un quartier. Parce qu'il y a vraiment qu'une petite partie qui s'implique. Mais au bout du compte, je trouve que malgré que ce soit un petit nombre de personnes, quand je vois le résultat de certaines choses, notamment de la place Ministre Wauters, ça donne quelque chose de bien. Enfin avec mon regard.
Piet :
Quand je regarde d'autres personnes qui ont cette évolution comme participant·e de processus participatif, je suis convaincu qu'il y a une capacitation citoyenne à la fois technique de connaissance technique que, au niveau de la compréhension de processus politique. Comment la politique s'est créée, comment on fait une négociation, comment on comprend les enjeux, comment on comprend les positions d'autres personnes. Quand je pense à ces mêmes personnes, j'ai l'impression qu'ils se sentent maintenant beaucoup plus légitimes dans leur participation qu'au début de leur implication dans ce projet, puisqu'ils comprennent mieux à quoi consiste une légitimité politique, une légitimité de pouvoir participer ou de prendre la parole. Puisqu'il y a beaucoup de malentendus par rapport à la légitimité d'un·e habitant·e à participer. Beaucoup de personnes confondent légitimité représentative avec d'autres formes de légitimité. C'est important pour eux de comprendre que la représentation, ce n’est pas de ça qu'il s'agit. Leur mission comme habitant·es participant·es n’est pas d'être représentatif de quoi que ce soit, mais d'apporter une certaine perspective, une certaine connaissance de vécu. Et ça, ça prend un certain temps pour certaines personnes de comprendre, de saisir.
Piet :
C'est important ce que nous disent ici Sandra, Cécile et Piet. Les personnes qui participent ne deviennent sans doute pas expertes et elles ne sont à priori pas représentatives de tout leur quartier. Mais ça ne leur enlève pas leur légitimité à participer, à donner leur avis et à contribuer aux décisions qui les concernent. Plusieurs formes de légitimité existent et c'est sans doute bon de rappeler que les élus aussi vont chercher l'expertise et sont accompagnés de fonctionnaires qui les aident à travailler. Et puis on peut également se demander si les élus représentent effectivement toutes leurs Communes. Bref, être expert·e, être représentatif·ve et être légitime à participer et prendre des décisions sont des choses à ne pas confondre. On a entendu deux expériences d'initiatives top down où des politiques ont permis la création de nouveaux collectifs, l'émergence d'initiatives habitantes. Mais est ce que ces projets représentent une réelle tendance ou sont juste des exceptions ? On a voulu savoir ce que pensait Piet de l'évolution générale de ses projets top down.
Piet :
Il a une évolution au niveau des autorités un peu je pense, pas partout malheureusement. Ce processus de Queer Leuven, je pense pas que ça aurait été possible il y a 20 ans. L'idée d'une commission d'avis ne doit pas être une commission mais peut être une communauté, un réseau flou et informel. Ça, à mon avis, cette nouvelle idée, ça n'aurait pas pris il y a 20 ans. Donc là, je constate quand même un certain progrès. Mais en général, je ne suis pas très optimiste ou peut être positif par rapport à l'évolution. Je ne pense pas qu'on a beaucoup avancé au niveau de la qualité de la participation citoyenne. Je pense qu'il y a cette évolution que je viens de décrire. Mais il y a une autre évolution, c'est une nouvelle tendance : vouloir travailler avec des dispositifs nouveaux et faciles parmi d'autres les panels citoyens, les processus participatifs digitaux/virtuels, donc les plateformes digitales. C'est des dispositifs faciles à gérer qui ont une bonne réputation. C'est facile à lire, c'est comme une vitrine. Ce sont comme des produits, des produits qu'on vend. On les mets dans la vitrine, et on dit « Voilà, on offre le panel citoyen et la plateforme de discussion autour du quartier. » Et ça suit aussi de nouveau des nouvelles procédures. C'est facile à gérer. Les règles du jeu sont claires, on sait qui participe. Ils doivent soit être tirés au sort, soit s'inscrire sur la plateforme. Il y a aussi les enveloppes budgétaires citoyennes qui sont un budget participatif qui sont des enveloppes pour les quartiers, c’est-à-dire qu’ils se focalisent souvent sur des petites choses. C'est très bien défini sur quels sujets ils vont travailler. Le panel citoyen va travailler sur cette question-là, pas sur d'autres. Leur mission est bien définie. Il y a des nouveaux outils, nouveaux dispositifs qui n'existaient pas il y a 20 ans et qui sont de nouveau des tentatives, je pense, de la part des autorités de pouvoir canaliser la participation citoyenne vers des cases très facilement gérable. Et donc là, je constate une nouvelle tendance d'aller vers ce genre de choses les petits jouets de la participation citoyenne.
Musique
Solenne :
Oui, c'est vrai qu'elles se multiplient à une vitesse folle ces plateformes en ligne de participation ou enveloppes à projets citoyen qu'on appelle faussement budget participatif. Il y a même des labels que les communes peuvent obtenir si elle coche quelques cases prédéfinies pour pouvoir montrer qu'elles sont à la pointe de la démocratie participative. Alors que dans le fond, en tout cas chez Periferia, on bute toujours sur les mêmes obstacles : des Communes qui refusent nos projets parce qu'ils sont trop ambitieux, que les services ne sont pas prêts à devoir inclure les habitant·es, et que finalement, quand on anime des processus qui ont pour but de construire des propositions ensemble, les élus elleux-mêmes ne participent quasiment pas. On s'est d'ailleurs souvent demandé si ça valait encore la peine de travailler avec les pouvoirs publics, tant il est difficile de convaincre les élus et les services d'ouvrir l'espace politique. Ce n'est heureusement pas toujours le cas, mais certaines de nos expériences montrent que ces processus conduisent à une désillusion des participant·es, surtout quand la communication n'a pas été assez claire sur la place qui leur serait donnée dans les décisions prises. De leur côté, les élus continuent souvent de penser que la participation ne les concerne pas, qu'il s'agit d'une affaire d'habitant·es, et non pas d'une manière de construire ensemble les territoires partagés.
Chant :
Et avec ça, Messieurs, vous nous avez trompés
Et braves gens qu'on était, on s'est laisser berner.
Solenne :
Construire ensemble les territoires qu'on habite, c'est finalement de ça qu'il s'agit quand on parle de participation dans les quartiers. Et si les élus ne semblent pour beaucoup pas encore prête et prêt à laisser leur place dans cette construction aux habitant·es, beaucoup n'attendent plus les politiques pour s'impliquer et créer des collectifs, des lieux alternatifs, des espaces de rencontre et de lien.
Piet :
Par rapport aux années 2000, je pense qu’aujourd'hui nous sommes beaucoup plus dans une phase où plein d'habitants, plein de gens n'attendent pas mais s'organisent pour commencer des choses « bottom up » qu'ils prennent en main. Il y a plus de vélocité qu’il y a une dizaine d'années. Je ne sais pas très bien pourquoi ou comment expliquer je pense qu'internet, les médias sociaux aident certainement des personnes à se trouver et à former des collectifs. Je pense aussi que le manque de capacité et de gestion de la part des autorités, le manque de capacité de répondre aux grands enjeux sociétaux poussent les gens à s'auto-organiser, à ne pas attendre et prendre des initiatives eux-mêmes. Je pense que l'organisation citoyenne demande toujours une certaine construction de communauté, un pouvoir public d'organiser un processus participatif et d’inviter les habitant·es à participer à titre individuel sans qu'ils connaissent d'autres personnes. Mais si on veut construire quelque chose du bas vers le haut du « bottom up », ça demande la construction d'un groupe. Et là, l'aspect territorial, bien sûr, très important. C’est un grand atout. Si on peut avoir une proximité, ce n’est pas indispensable. De plus en plus de communautés ne sont plus territoriales et c'est très différent puisqu'une communauté territoriale est d'office une communauté plurielle. Au moins l'ambition d'être là pour tous les habitant·es de ce quartier. En réalité, ce n’est pas toujours le cas, mais souvent l'ambition est là, tandis que des communautés qui s'organisent autour d'une idée n'ont souvent pas cette ambition. Donc la question est plus : est ce que c'est encore réaliste de voir un quartier communicant communauté ou est-ce que le quartier devient de plus en plus un territoire d'une multitude de communautés ? Où on doit faire pas du « bonding » mais plutôt du « bridging », de la construction entre les communautés, plutôt de construire une seule communauté. Du coup ce n'est peut-être pas réaliste qu’il ait qu’une seule communauté.
Fanny :
Moi, je fais très fort du lien avec le dernier accompagnement qu'on a eu où justement votre souci de collectif quand moi je vous ai un peu titillé en disant « Oui mais en fait ce que vous cherchez c'est une bande de potes pour vous réunir et faire des événements festifs et du lien. » Et on m'a répondu « Non, parce que les potes on les choisit et on en fait un entre-soi d'affinité. Nous ce qu'on veut, c'est une dynamique communautaire. Nous, on veut aller chercher celles et ceux avec lesquels on n’est pas en lien. On veut aller chercher celles et ceux qui habitent le quartier, qui n'ont pas toujours connu, qui n'en ont pas toujours fait partie. Et on a envie de créer ces espaces-là. » Les projets que vous avez sont hyper nombreux, la dynamique fonctionne bien. Vous avez quand même toujours cette insatisfaction que tout le monde ne soit pas dans le bateau et donc il y a quand même une vraie recherche de collectifs de faire société dans le quartier, de faire communauté. J'ai quand même l'impression que c'est très fort dans votre démarche.
Sandra :
Parce qu'on veut, je pense aussi bien Cécile que moi et que les autres, que chaque personne ici dans notre quartier connaisse le quartier, connaîsse ses voisins. En définitive, c'est respecter le quartier, le rendre plus propre, le rendre plus beau, le rendre plus accueillant pour tous·tes. Et donc, c'est vrai quelque part que c'est une politique de quartier. On veut que tout le monde s'y sente bien.
Musique
Solenne :
Donc s'organiser au niveau d'un quartier, ça demande de construire, de renforcer ou encore de faire des liens entre des groupes et des communautés. On a entendu Piet et Fanny parler de faire société ou faire communauté dans le quartier et Sandra dire que le collectif de la Roue, c'est une politique de quartier. Pourtant, faire un potager collectif, organiser un repas convivial dans la rue ou créer une balade balisée, ça sonne pas très révolutionnaire. Dans cette série de podcasts, on s'intéresse aux politiques, à une participation qui rééquilibre les pouvoirs, inégalement répartis dans notre société. Est-ce que cette histoire de collectif de quartier, c'est vraiment politique ?
Piet :
À l'époque où je commençais travailler là-dessus, c'était une des questions centrales pour nous. Si cette nouvelle génération d'initiatives citoyennes était oui ou non des actions avec un potentiel politique ou plutôt des tentatives de fuir, d'évacuer les enjeux polémiques de l'ordre du jour du débat. On va faire un potager et on ne va pas parler du racisme dans le quartier, du fait que certaines minorités sont maltraitées. Nous, nous avons à cette époque-là commencé notre recherche sur les initiatives citoyennes pour voir si on constatait la même chose. Et je peux dire que j'ai rencontré ce genre d'attitude dans une de ces initiatives que j'avais suivie à l'époque. C'était un quartier participatif citoyen. Pour répondre à l'appel à projet de Bruxelles Environnement qui avouait que chez eux, c'était difficile d’avoir des débats sur certaines choses polémiques. Il reconnaissait qu'ils n'avaient pas souvent des débats polémiques. Mais dans les autres initiatives citoyennes, je constatais, moi, beaucoup plus une forte volonté de s'exprimer politiquement et d'être militant·es. Je trouvais que souvent les petites donneries ou potagers allaient de pair avec une grande prise de conscience au niveau politique, au niveau des droits humains, des droits des femmes par exemple, et les mêmes personnes qui travaillaient sur les potagers faisaient circuler des pétitions ou des invitations de débats, etc.
Solenne :
Récapitulons : les élus mettre des dispositifs de participation en place depuis les années nonante, sauf qu'on doit bien le reconnaître, ces programmes permettent rarement de donner un réel pouvoir aux habitant·es. Du coup, ce que propose Piet, c'est d'inciter les élus à créer un terreau fertile à l'émergence d'initiatives habitantes. Plutôt que de lancer des processus pensés en haut, que le cadre institutionnel facilitent et soutiennent l'organisation par le bas. Heureusement, les gens n'attendent pas les élus pour s'organiser et pour construire des communautés dans les territoires qu'elles habitent ou tisser des liens entre elles. Et ça, on pense aussi que ça a un potentiel politique pour plusieurs raisons. Dans un monde qui incite plus à donner son temps à un travail rémunéré qu'à l'organisation de fêtes de quartier qui nous poussent toujours plus vers la compétition et la responsabilisation individuelle de nos réussites et de nos échecs, faire ensemble, c'est déjà un acte de résistance. Occuper l'espace public pour en faire un lieu de rencontre, de fête et de discussion, c'est aller à l'encontre des politiques d'aménagement qui construisent moins des lieux confortables que d'autoroutes urbaines et de « street workout ». Si ce point vous intéresse, on vous invite à écouter notre autre série de podcast À qui la ville ?
Finalement, le quartier, même s'il est évidemment limité en termes d'échelle, d'action, c'est aussi un territoire qui n'a pas de frontière fixe et administrative. S'organiser au niveau d'un quartier, c'est se baser sur un sentiment d'appartenance autodéterminée et pas sur un document d'identité qui nous donne le droit ou non d'appartenir à un territoire. Sandra et Cécile le disent à plusieurs reprises, c'est leur amour et leur attachement au quartier qui leur a donné envie de s'y investir. Et aucune autorité ne décide de qui exactement fait partie du quartier ou s'y sent attachée. Les frontières sont floues, les membres auto-désignés, mais si s'impliquer dans son quartier portent cette puissance politique, ce n'est pas une évidence d'arriver à créer ses communautés, cette habitude à participer et cette culture démocratique. On terminera cet épisode en écoutant les mots de Cécile qui nous parle de ce potentiel politique, mais également des difficultés à construire une implication collective dans son quartier.
Vive l’auto-organisation, vive les collectifs et la vie de quartier !
Cécile :
Je pense que notre approche peut être une forme de vie, une façon d'être dans la vie de quartier qui est peut être un aspect d'organisation humaine. Que l’on peut utiliser comme un objectif politique. Mais je vois que ce n’est pas facile. Alors pourquoi ce n’est pas facile ? Parfois par le manque de disponibilité. Je pense que si les gens étaient plus disponibles, surtout les jeunes qui travaillent encore. Parce que certains ont exprimé le désir de retrouver les ambiances de villages, les ambiances où il y a de la convivialité plus facilement. Il y avait quand même des choses comme ça qui ont été exprimées par les jeunes. Mais en même temps, on a des vies fort remplies finalement. Surtout, les jeunes qui travaillent encore et donc est-ce qu'on donne de la place pour ça ? Est ce qu'il y a de la place pour cette vie-là ? Une vie plus collective, plus ouverte aux autres ? Pour moi, ça l’a été. Donc ça peut l'être pour d'autres. Je me sens plus ancrée dans la vie collective, dans les rencontres avec des plus jeunes. Tout ça, c'est l'intergénérationnel, l'interculturel, tout ça est possible. En fait le quartier de la Roue il est plein de mixité. Une mixité économique, mixité sociale. Toutes les mixités possibles se trouvent à la Roue, ça c'est clair. Mais comment les différentes communautés se rencontrent ? Parfois, elles le font à certains moments. Et puis ce n’est pas facile, ça c'est sûr. Je me dis qu'on pourrait vivre autrement. Simplement dans notre vie quotidienne, dans les quartiers.
Générique :
« Pas sans nous ! » une série de podcasts de l'association Periferia, produite dans le cadre de l'Èducation Permanente et soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces podcasts sont à réécouter sur notre site Periferia.be et sur Soundcloud.
Références citées, dans l’ordre d’écoute :
- Ludivine Damay, Christine Schaut. 2007. « Justifications des politiques participatives : deux études de cas en Belgique. » Espaces et Sociétés 2007/1 (n° 128-129). pp. 185-199.Editions Érès.
- Vidéos du MR sur Good Move :
- DREAMR – Le Magasine. 2022. « C'est quoi le plan "Good Move" ? ». https://www.youtube.com/watch?v=JIoeOq40goo.
- DREAMR – Le Magasine. 2022. « Que penser de Good Move ? Les Bruxellois répondent ! ». https://www.youtube.com/watch?v=H6newNmGFTw.
- Queer Leuven :https://queerleuven.be/.
- Épisode « droit de cité » de la série de Podcasts « à qui la ville » de Periferia : https://periferia.be/episode-dintroduction-droit-de-cite/.
Musique et transitions sonores, dans l’ordre d’écoute :
- John Dobrynine. 1977. « Pour une autre route ». Chanson de luttes en Belgique. Interprétée par Le GAM - Groupe d'Action Musicale. https://www.legroupegam.be/.
- Le GAM - Groupe d'Action Musicale. 2020. « Avec toi, avec elle ». Chanson de luttes en Belgique. https://www.legroupegam.be/.
- Impostor. Writing on Keyboard sound effet. https://www.youtube.com/watch?v=2BUNHd7ENZk.
- Krotos. Village Ambience Sound Effect. https://www.youtube.com/watch?v=HnMQlYiUzVM.
- René Aubry. 1998. « Salento ». Plaisirs d’amour.
- Jacky Parent. 1979. « On a été bernés ». dans GAM. NON à la deuxième centrale ! Chooz se bat, et chante contre le nucléaire. https://www.legroupegam.be/.