Depuis quelques années déjà, Periferia participe à plusieurs dynamiques autour de la place des femmes et des jeunes dans les espaces publics. En effet, prendre en compte les pratiques et reconnaitre l’expertise d’usage des femmes apparait comme une nécessité afin de garantir certains droits fondamentaux comme :
- Un droit d’accessibilité ;
- Un droit d’appropriation ;
- Un droit à la participation au prise de décision et à l’exercice de la citoyenneté
Lors des diagnostics territoriaux participatifs réalisés, de marches exploratoires, d’ateliers en non mixité, le constat a été à chaque fois le même : celui d’une différence d’usages entre les hommes et les femmes de la ville et de ses espaces publics. Les filles semblent moins occuper les espaces publics (notamment espaces sportifs et de loisir) que les garçons.
Pourtant, en région Bruxelloise, on constate que la question de l’égalité filles/garçons reste encore peu présente dans les réflexions sur l’aménagement des espaces et les investissements publics destinés aux loisirs des jeunes.
Mais comment prendre en compte les pratiques et le vécu des femmes dans l’aménagement ?
Nous sommes allés à la rencontre d’Edith Maruéjouls, autrice de la thèse : « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d'un paradigme féministe » et directrice de l’ARObE, l’Atelier Recherche Observatoire Égalité, un bureau d’études spécialisé dans l’aménagement égalitaires des espaces et la lutte contre les stéréotypes de genre afin de tenter d’y répondre.
Les réponses d'Edith Maruéjouls aux 3 questions que nous lui avons posées
- Un exemple d’aménagement inégalitaire ?
- Des conseils pour des aménagements plus égalitaires ?
- Les aménagements égalitaires : tout le monde gagnant ?
Cliquez sur l'image ci-dessous pour voir la vidéo de l'entretien !
Pour aller plus loin avec Edith Maruéjouls :
Faire je(u) égal
Penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants
Description :
Véritables espaces publics miniatures, les cours de récréation sont le lieu des premières inégalités – en particulier entre filles et garçons. L’aménagement des espaces peut en effet jouer un rôle déterminant dans la reproduction de schémas discriminants. L’absence de mixité, par exemple, est souvent favorisée par la configuration des lieux et le type d’activités qui y sont proposées. En analysant ces espaces scolaires et les relations qui s’y nouent, Édith Maruéjouls aide les écoles à lutter concrètement contre les discriminations liées au genre. Elle nous invite dans cet ouvrage très abordable à découvrir ces «géographies scolaires du genre», sa méthode de travail et les solutions permettant de rendre l’école plus inclusive. Car il est essentiel pour la réduction des inégalités et des violences de genre dans nos sociétés que tous et toutes puissent faire, au moins à l’école, je(u) égal.
Éditions Double Ponctuation, Collection "Point d'interrogation" (études, recherche, questions de société) - ISBN : 978-2-490855-36-0
16€ - 126 pages, 21x14,8x1cm, 150g
Parution en France, Suisse et Belgique en Août 2022 ; Parution à l'automne au Québec - Version Epub à venir
Comment sortir des traditionnels street workout ou terrains de football utilisés presque exclusivement par des jeunes garçons ? Quels aménagements pour que les filles occupent et jouissent d’un droit à l’espace public et au loisir elles aussi ?
L’exemple du groupe citoyen « La ville est à nous, AUSSI ! »
Après une phase de diagnostic sensible du quartier où habitent un groupe de jeunes filles, celles-ci cherchent des solutions en termes d’aménagement pour se sentir à l’aise dans l’espace public et pouvoir se l’approprier.
Pour en savoir plus et découvrir le Manifeste rédigé par le groupe, c'est par ici !
Pour elles, il est important d’avoir un espace ludique, un espace « agréable pour se poser », pour inciter les jeunes filles à l’occuper. Si les espaces ludiques sont souvent pensés pour les enfants, d’autres peuvent être conçus pour les plus grand·e·s. Certains espaces ludiques peuvent ainsi être appropriés par les adolescentes. Différentes dimensions à prendre en compte :
S'amuser/ jouer : avoir des structures en bois/ hamacs / grandes balançoires / balancelles
Se retrouver / se rencontrer : Tables et bancs, balancelles en face à face, filet géant
Se sentir en sécurité :
- Planter des petits buissons autour pour être tranquilles, pas à la vue de tou·te·s quand on est assises.
- Un système de lumières qui permette de pouvoir rester le soir/en fin d'après-midi
Quelques exemples d'aménagements plébiscités
Make Space for Girls pense les espaces publics avec les filles et jeunes femmes pour que les aménagements tiennent compte de leurs volontés et besoins, et "pas seulement ceux des jeunes hommes".
Plusieurs exemples d'aménagements sont repris. Celui sur l'image à droite a été très inspirant pour le groupe 'la Ville est à nous AUSSI'.
En effet, il reprend les différentes dimensions : ludique, où l'on peut être à plusieurs, notamment en face à face. Côté intimité, les arbres peuvent suffire, en fonction de où on se trouve et ce qui nous entoure.
Pour en savoir plus : https://makespaceforgirls.co.uk/about-us/
Un groupe d'étudiant·e·s de Belgique et de France a aussi travaillé à la recherche de solutions en termes d'aménagements après avoir entendu parler du diagnostic réalisé par le groupe 'la ville est à nous, AUSSI.'
Sur la photo de gauche, le groupe a imaginé un espace qui soit accessible à tou·te·s, ludique pour tous les âges et convivial. C'est notamment le cas de la balançoire ronde et du filet pour se détendre.
A Copenhague, l'expérimentation sur les espaces publics est inspirante. Les balancelles ont largement étaient plébiscité par le groupe.
Au-delà des aménagements, inciter l’appropriation des espaces publics
Au-delà de l’aménagement des espaces, comme le rappelle Edith Maruéjouls dans la vidéo, se pose la question de qui occupe l'espace public. On constate que les jeunes femmes sont moins visibles et occupent rarement l'espace en groupe, à la différence des hommes.
Dès lors, il est aussi intéressant de développer des stratégies d’appropriation des espaces publics en groupe.
L’exemple des « Steph Girls » et de l’occupation temporaire du parc Stephenson (Schaerbeek)
A Schaerbeek, une occupation temporaire est mise en place dans un espace jusqu'alors privé, qui deviendra après travaux un parc ouvert à tou·te·s. La question de l'accès et de l'appropriation par les femmes et jeunes femmes de ce futur espace public est très vite apparue. Le groupe de jeunes femmes "les Steph Girls" ont voulu occuper cet espace en tant que groupe, et cela en non mixité. L'appel est lancé aux filles du quartier : "viens aménager un espace filles dans le quartier et réfléchir au futur parc !". Il s'agit d'abord d'occuper l'espace public en groupe et d'y faire les activités voulues par les Steph Girls. Derrière, la volonté de faire comprendre aux garçons : "le quartier n'est pas qu'à vous".
Une double stratégie à mettre en place
A la lumière de ces témoignages, il nous semble que favoriser l'égalité filles-garçons dans les espaces publics passe par un équilibre entre deux pratiques :
- l'occupation au quotidien des espaces publics par les femmes, notamment en groupe afin de se les approprier ;
- la mise en place d'aménagement et de plans d'aménagement égalitaire, à partir d'une réflexion sur le genre et de la participation des jeunes femmes aux processus de conception et de gestion de ces espaces.
Une réflexion au sujet de « Repenser les espaces publics pour favoriser l’égalité de genre »
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