"Depuis la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, l’égalité femmes-hommes est posée comme un objectif, inscrit à l’article 1er de la loi qui prévoit que la politique de la ville doit « concourir à l’égalité entre les femmes et les hommes ». Pour mettre en œuvre cet objectif, un cadre de référence a été élaboré par le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires) qui rappelle que l’égalité femmes-hommes constitue l’une des trois priorités transversales des contrats de ville. À cette fin, il fournit « des éléments de méthode et des outils qui permettront d’impulser une politique ambitieuse de promotion de l’égalité femmes-hommes au plus près du terrain ». En juin 2014, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes rendait un rapport sur les inégalités de sexe dans les territoires fragiles, dont les quartiers de la politique de la ville. Courant 2015, une instruction interministérielle proposait des éléments de méthode pour mettre en place des plans d’action pour l’égalité femmes-hommes dans les quartiers politique de la ville. Enfin, la loi de janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté précise que les contrats de ville « définissent obligatoirement des actions stratégiques dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Parallèlement, la lutte contre les discriminations est également inscrite comme axe transversal obligatoire dans la politique de la ville, chaque territoire prioritaire devant se doter d’un plan de lutte contre les discriminations.
Si la réglementation et les intentions sont là, leur traduction en actes apparaît complexe et leur déclinaison territoriale interroge. Ce numéro vise à présenter la condition des « femmes des quartiers » sous le double prisme de l’égalité femmes-hommes et des discriminations. Dès lors, plusieurs points de vigilance méritent d’être précisés. Le premier porte sur le qualificatif « femmes des quartiers ». Comme il n’existe pas une entité constituée des « jeunes des quartiers », il n’existe pas UNE femme type mais DES femme habitant des quartiers prioritaires. C’est pourquoi, nous avons veillé, dans ce numéro, à montrer leurs différentes facettes et à ne pas nous focaliser sur une image victimaire particulière, largement diffusée.
Le deuxième point de vigilance concerne la visée égalitaire à l’échelle territoriale. Les solutions pour parvenir à l’égalité femmes-hommes dans les quartiers ne peuvent pas uniquement être recherchées au niveau local alors que le sujet concerne la société dans son ensemble. Ce serait faire porter une responsabilité importante aux habitants et aux pouvoirs locaux alors que les responsabilités sont aussi à rechercher ailleurs, à d’autres niveaux (politiques nationales, acteurs économiques...). Par ailleurs, rechercher à faire l’égalité entre les femmes et les hommes des quartiers ne peut constituer l’unique finalité tant les conditions de ces derniers sont peu enviables au vu des dominations multiples auxquelles ils sont eux-mêmes confrontés. Cela n’aboutirait qu’à l’égalité des inégalités. C’est pourquoi, nous avons fait le choix de construire ce numéro en usant du concept d’intersectionnalité. Cette approche intersectionnelle vise à interroger le croisement des inégalités de genre et des inégalités de race, de classe ou encore celles liées à l’âge ou à la religion. Car c’est à l’intersection de ces multiples critères que se produisent les formes d’inégalités les plus insidieuses.
À travers cette approche, nous avons voulu montrer la complexité du sujet tout en garantissant la pluralité des points de vue. En effet, selon la fonction occupée, les expériences vécues, les témoignages entendus, les regards sont forcément différents. Nous avons d’autre part souhaité laisser la parole aux premières concernées, les habitantes des quartiers prioritaires, là encore en privilégiant la diversité.
Ce numéro cherche ainsi à fournir des clés de lecture en clarifiant les concepts et en déconstruisant les stéréotypes. Il vise également à présenter des projets/expériences menés pour/avec les femmes et à sensibiliser les acteurs de la politique de la ville à la question de l’égalité femmes-hommes. Pour ce faire, la ligne éditoriale s’appuie sur le parcours de vie des femmes. Ainsi, après une première partie consacrée aux éléments de cadrage permettant de définir le sujet, la seconde partie du numéro aborde la question de l’enfance et de la jeunesse, et plus précisément les enjeux de l’éducation, du sport, de la sexualité et de la mixité. La troisième partie traite de l’âge adulte et de ses problématiques qui interpellent toutes les femmes au-delà même des quartiers prioritaires : l’accès à un emploi de qualité correspondant aux aspirations, l’accès aux soins et à la santé, le bien-vieillir.
Nous espérons que ce numéro permettra de mieux comprendre ce sujet complexe, d’interroger les prénotions limitant l’efficacité des actions, et de réfléchir collectivement à nos pratiques pour contribuer, chacun à notre niveau, à lutter contre toutes les formes d’inégalités."